Il y a 50 ans, la mission Apollo 9 testait le « train lunaire »
Il y a 50 ans, la mission Apollo 9 testait le « train lunaire »
© NASA

publié le 03 mars 2019 à 14:33

1156 mots

Il y a 50 ans, la mission Apollo 9 testait le « train lunaire »

Après le vol circumlunaire d’Apollo 8, en décembre 1968, le programme lunaire américain se poursuivait avec Apollo 9. Il devait confirmer sur orbite terrestre la maîtrise des opérations d’amarrage entre le module lunaire et le module de service.


Pour assurer la réussite du futur débarquement humain sur la Lune, prévu pour l’été 1969, la mission américaine Apollo 9 devait tester l’ensemble du « train lunaire » composé du Module lunaire (LM) « Spider » (l’araignée) et du Module de commande et de service (CSM) « Gumdrop » (Boule de gomme). Les surnoms donnés aux modules tenaient, pour le LM, à sa ressemblance avec la plus célèbre des arachnides et, pour le CSM, à la bâche bleue qui le recouvrait lors de son arrivée au centre spatial Kennedy ; celle-ci faisait penser au célèbre bonbon boule de gomme.

 

Le lancement et la constitution du « train lunaire ».

Le 3 mars 1969, le lanceur Saturn-V n°4 décolle avec succès depuis le centre spatial Kennedy. Au sommet, dans la capsule Apollo, se trouvent le commandant James McDivitt, le pilote du CSM David Scott, et le pilote du LM Russel Schweickart. Si ce dernier effectue son premier vol, en revanche, les deux premiers sont des vétérans qui ont déjà volé, respectivement sur Gemini 4 (avec Ed White, 3-7 juin 1965) et sur Gemini 8 (avec Neil Armstrong, 16-17 mars 1966).

Quelques minutes plus tard, le troisième étage du lanceur (S-IVB) place les différents éléments de la mission sur une orbite d’environ 190 km d’altitude. Environ quatre heures après le lancement, le CSM se sépare du S-IVB, pivote de 180 degrés, puis s’amarre au LM encore dans l’étage. Une fois fait, le CSM déloge délicatement le LM du S-IVB. Puis, pour des raisons de sécurité, le S-IV B est éjecté sur une orbite solaire.

 

Les mises à l’épreuve du « train lunaire ».

A partir du 4 mars, l’équipage s’attache à piloter et à tester l’ensemble des systèmes du CSM. Des essais de tangage et de roulis sont notamment effectués afin de vérifier la manœuvrabilité du train spatial. Les opérations sont importantes, car il s’agit de vérifier que le CSM peut supporter la masse du module lunaire lors de manœuvres orbitales.

Le 5 mars, pour la première fois, McDivitt et Schweickart entrent dans le LM, en passant par le tunnel d’amarrage qui le relie au CSM. Une fois à l’intérieur, ils vérifient l’état de Spider et ses équipements (comme le système de contrôle manuel), testent les différents propulseurs, etc. Ils réalisent également une (première) retransmission télévisée : on y voit deux hommes souriants, confiants, commentant leurs actions en cours et soulignant que « tout se passe bien ». Le bon déroulement de ce genre de communication n’est pas seulement destiné à rassurer les familles des astronautes et à servir la propagande américaine, mais aussi à assurer la maîtrise des techniques de communication, une opération vitale lors des vols lunaires.

 

« Quelle vue ! »

Le 6 mars, depuis le LM, Schweickart doit procéder à une sortie extravéhiculaire (EVA) pour tester la combinaison spatiale, mais aussi pour vérifier si un astronaute peut passer du LM au CSM au cas où les deux vaisseaux n’arriveraient pas à s’amarrer. Toutefois, au moment où Schweickart se prépare, il est pris de vertiges et de nausées. Il est atteint du fameux « mal de l’espace ». Quelques heures plus tard, après s’être reposé et après avoir convaincu son commandant et les responsables au sol de sa meilleure forme, Schweickart effectue enfin l’EVA, mais à la condition qu’il ne s’écarte pas de la plate-forme du LM. Une fois dehors, il s’exclame : « Mon Dieu ! Quelle vue ! J’aimerais faire une émission de télévision, mais je ne crois pas que j’aurai le temps ». Il prend des photos, procède à des observations astronomiques, ainsi qu’à des prélèvements de matériaux (destinés à comprendre et à anticiper les risques éventuels d’érosion et de dégradation dans le milieu extrême de l’espace). Quant à son équipier Dave Scott, il ne sort que partiellement pour observer et intervenir en cas de problème. A l’issue, les deux hommes réintègrent le LM, puis le CSM.

 

Le « duo spatial » Spider-Gumdrop.

Le 7 mars, McDivitt et Schweickart effectuent une troisième incursion dans le LM pour, cette fois-ci, le désarmarrer du CSM (dans lequel demeure leur collègue Scott). Après quelques difficultés, les deux vaisseaux se séparent. Si Spider se met à tanguer, McDivitt le maîtrise assez vite. Peu à peu, Spider s’éloigne de Gumdrop jusqu’à une distance d’environ 180 km. Les deux vaisseaux évoluent séparément. Pendant ce temps, McDivitt et Schweickart vérifient que le LM se pilote, et plutôt bien, notant cependant des bruits au début inquiétants !

Avant de rejoindre Gumdrop, McDivitt et Schweickart larguent la partie inférieure de Spider, celle qui devrait servir à faire atterrir un équipage sur la Lune. Désormais, le LM ressemble à un étrange engin qui a perdu ses pattes. La partie supérieure, dans laquelle se trouvent alors les deux astronautes, est prévue pour redécoller de la Lune et rejoindre le CSM. Il est donc primordial de tester le moteur ascensionnel, puis de procéder à de délicates manœuvres lors du retour vers le CSM. Spider s’immobilise à environ 30 mètres, laissant le temps à Scott de bien positionner le CSM pour l’amarrage. Une fois l’opération effectuée, après un vol de 6 heures et 22 minutes, les deux astronautes du LM réintègrent le CSM. Ce qui reste alors du LM, « l’Ascent Stage » (étage de remontée), est à son tour largué dans l’espace. A propos de ce LM, Deke Slayton, l’ancien astronaute de Mercury devenu le responsable de la sélection et de l’entrainement des astronautes, dira qu’il « était unique. C’était le premier véhicule conçu pour fonctionner dans l’espace, en anaérobie ; et donc le seul vrai vaisseau spatial. N’ayant pas à affronter la chaleur de rentrée dans l’atmosphère terrestre, il ne comportait pas de bouclier thermique et n’était pas profilé comme la capsule Apollo. Hérissé d’antennes et perché sur ses quatre jambes fines, il ressemblait à un insecte géant ».

 

Les derniers jours de la mission et le retour.

Durant les derniers jours, tandis que Scott procède encore à des manœuvres du CSM, McDivitt et Schweickart effectuent de nombreuses observations de la Terre, photographiant notamment l’Amérique, l’Afrique, etc. Cette seconde partie de la mission Apollo 9 n’est pas sans importance, car les techniques d’observations et de photographies serviront plus tard pour le programme de laboratoire orbital Skylab.

 

Le 13 mars, le module de commande se sépare du module de service, se désorbite et amerrit dans l’océan Atlantique, à 290 km à l’est des Bahamas, où il est récupéré dans l’heure qui suit par le navire USS Guadalcanal. La mission est un franc succès, permettant de préparer la suivante, Apollo 10, dont le lancement est annoncé pour le 18 mai. Cette fois-ci, il s’agira de répéter les opérations menées par Apollo 9… mais depuis une orbite lunaire.

 

Références.

Un livre : Ils voulaient la Lune, de Deke Slayton et Alan Shepard, Ifrane éditions, Paris, 1995

Le dossier de presse de la mission Apollo 9, archives NASA, consultable en ligne

Une vidéo de la NASA sur le vol Apollo 9.

 

Philippe Varnoteaux est docteur en histoire, spécialiste des débuts de l’exploration spatiale en France et auteur de plusieurs ouvrages de référence.

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03/03/2019 14:33
1156 mots

Il y a 50 ans, la mission Apollo 9 testait le « train lunaire »

Après le vol circumlunaire d’Apollo 8, en décembre 1968, le programme lunaire américain se poursuivait avec Apollo 9. Il devait confirmer sur orbite terrestre la maîtrise des opérations d’amarrage entre le module lunaire et le module de service.

Il y a 50 ans, la mission Apollo 9 testait le « train lunaire »
Il y a 50 ans, la mission Apollo 9 testait le « train lunaire »

Pour assurer la réussite du futur débarquement humain sur la Lune, prévu pour l’été 1969, la mission américaine Apollo 9 devait tester l’ensemble du « train lunaire » composé du Module lunaire (LM) « Spider » (l’araignée) et du Module de commande et de service (CSM) « Gumdrop » (Boule de gomme). Les surnoms donnés aux modules tenaient, pour le LM, à sa ressemblance avec la plus célèbre des arachnides et, pour le CSM, à la bâche bleue qui le recouvrait lors de son arrivée au centre spatial Kennedy ; celle-ci faisait penser au célèbre bonbon boule de gomme.

 

Le lancement et la constitution du « train lunaire ».

Le 3 mars 1969, le lanceur Saturn-V n°4 décolle avec succès depuis le centre spatial Kennedy. Au sommet, dans la capsule Apollo, se trouvent le commandant James McDivitt, le pilote du CSM David Scott, et le pilote du LM Russel Schweickart. Si ce dernier effectue son premier vol, en revanche, les deux premiers sont des vétérans qui ont déjà volé, respectivement sur Gemini 4 (avec Ed White, 3-7 juin 1965) et sur Gemini 8 (avec Neil Armstrong, 16-17 mars 1966).

Quelques minutes plus tard, le troisième étage du lanceur (S-IVB) place les différents éléments de la mission sur une orbite d’environ 190 km d’altitude. Environ quatre heures après le lancement, le CSM se sépare du S-IVB, pivote de 180 degrés, puis s’amarre au LM encore dans l’étage. Une fois fait, le CSM déloge délicatement le LM du S-IVB. Puis, pour des raisons de sécurité, le S-IV B est éjecté sur une orbite solaire.

 

Les mises à l’épreuve du « train lunaire ».

A partir du 4 mars, l’équipage s’attache à piloter et à tester l’ensemble des systèmes du CSM. Des essais de tangage et de roulis sont notamment effectués afin de vérifier la manœuvrabilité du train spatial. Les opérations sont importantes, car il s’agit de vérifier que le CSM peut supporter la masse du module lunaire lors de manœuvres orbitales.

Le 5 mars, pour la première fois, McDivitt et Schweickart entrent dans le LM, en passant par le tunnel d’amarrage qui le relie au CSM. Une fois à l’intérieur, ils vérifient l’état de Spider et ses équipements (comme le système de contrôle manuel), testent les différents propulseurs, etc. Ils réalisent également une (première) retransmission télévisée : on y voit deux hommes souriants, confiants, commentant leurs actions en cours et soulignant que « tout se passe bien ». Le bon déroulement de ce genre de communication n’est pas seulement destiné à rassurer les familles des astronautes et à servir la propagande américaine, mais aussi à assurer la maîtrise des techniques de communication, une opération vitale lors des vols lunaires.

 

« Quelle vue ! »

Le 6 mars, depuis le LM, Schweickart doit procéder à une sortie extravéhiculaire (EVA) pour tester la combinaison spatiale, mais aussi pour vérifier si un astronaute peut passer du LM au CSM au cas où les deux vaisseaux n’arriveraient pas à s’amarrer. Toutefois, au moment où Schweickart se prépare, il est pris de vertiges et de nausées. Il est atteint du fameux « mal de l’espace ». Quelques heures plus tard, après s’être reposé et après avoir convaincu son commandant et les responsables au sol de sa meilleure forme, Schweickart effectue enfin l’EVA, mais à la condition qu’il ne s’écarte pas de la plate-forme du LM. Une fois dehors, il s’exclame : « Mon Dieu ! Quelle vue ! J’aimerais faire une émission de télévision, mais je ne crois pas que j’aurai le temps ». Il prend des photos, procède à des observations astronomiques, ainsi qu’à des prélèvements de matériaux (destinés à comprendre et à anticiper les risques éventuels d’érosion et de dégradation dans le milieu extrême de l’espace). Quant à son équipier Dave Scott, il ne sort que partiellement pour observer et intervenir en cas de problème. A l’issue, les deux hommes réintègrent le LM, puis le CSM.

 

Le « duo spatial » Spider-Gumdrop.

Le 7 mars, McDivitt et Schweickart effectuent une troisième incursion dans le LM pour, cette fois-ci, le désarmarrer du CSM (dans lequel demeure leur collègue Scott). Après quelques difficultés, les deux vaisseaux se séparent. Si Spider se met à tanguer, McDivitt le maîtrise assez vite. Peu à peu, Spider s’éloigne de Gumdrop jusqu’à une distance d’environ 180 km. Les deux vaisseaux évoluent séparément. Pendant ce temps, McDivitt et Schweickart vérifient que le LM se pilote, et plutôt bien, notant cependant des bruits au début inquiétants !

Avant de rejoindre Gumdrop, McDivitt et Schweickart larguent la partie inférieure de Spider, celle qui devrait servir à faire atterrir un équipage sur la Lune. Désormais, le LM ressemble à un étrange engin qui a perdu ses pattes. La partie supérieure, dans laquelle se trouvent alors les deux astronautes, est prévue pour redécoller de la Lune et rejoindre le CSM. Il est donc primordial de tester le moteur ascensionnel, puis de procéder à de délicates manœuvres lors du retour vers le CSM. Spider s’immobilise à environ 30 mètres, laissant le temps à Scott de bien positionner le CSM pour l’amarrage. Une fois l’opération effectuée, après un vol de 6 heures et 22 minutes, les deux astronautes du LM réintègrent le CSM. Ce qui reste alors du LM, « l’Ascent Stage » (étage de remontée), est à son tour largué dans l’espace. A propos de ce LM, Deke Slayton, l’ancien astronaute de Mercury devenu le responsable de la sélection et de l’entrainement des astronautes, dira qu’il « était unique. C’était le premier véhicule conçu pour fonctionner dans l’espace, en anaérobie ; et donc le seul vrai vaisseau spatial. N’ayant pas à affronter la chaleur de rentrée dans l’atmosphère terrestre, il ne comportait pas de bouclier thermique et n’était pas profilé comme la capsule Apollo. Hérissé d’antennes et perché sur ses quatre jambes fines, il ressemblait à un insecte géant ».

 

Les derniers jours de la mission et le retour.

Durant les derniers jours, tandis que Scott procède encore à des manœuvres du CSM, McDivitt et Schweickart effectuent de nombreuses observations de la Terre, photographiant notamment l’Amérique, l’Afrique, etc. Cette seconde partie de la mission Apollo 9 n’est pas sans importance, car les techniques d’observations et de photographies serviront plus tard pour le programme de laboratoire orbital Skylab.

 

Le 13 mars, le module de commande se sépare du module de service, se désorbite et amerrit dans l’océan Atlantique, à 290 km à l’est des Bahamas, où il est récupéré dans l’heure qui suit par le navire USS Guadalcanal. La mission est un franc succès, permettant de préparer la suivante, Apollo 10, dont le lancement est annoncé pour le 18 mai. Cette fois-ci, il s’agira de répéter les opérations menées par Apollo 9… mais depuis une orbite lunaire.

 

Références.

Un livre : Ils voulaient la Lune, de Deke Slayton et Alan Shepard, Ifrane éditions, Paris, 1995

Le dossier de presse de la mission Apollo 9, archives NASA, consultable en ligne

Une vidéo de la NASA sur le vol Apollo 9.

 

Philippe Varnoteaux est docteur en histoire, spécialiste des débuts de l’exploration spatiale en France et auteur de plusieurs ouvrages de référence.



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