Il y a 40 ans, Saliout 6
Il y a 40 ans, Saliout 6
© Association Histoires d'espace

publié le 03 octobre 2017 à 09:28

724 mots

Il y a 40 ans, Saliout 6

Après avoir perdu la course à la Lune, remportée par les Etats-Unis, l’URSS avait décidé de porter ses efforts sur les stations orbitales. Le 29 septembre 1977, Saliout 6 inaugurait leur deuxième génération.


« Avant 1980, l’Union soviétique sera en mesure de faire vivre une population de 20 à 60 personnes dans une station orbitale… », déclarait le 2 mars 1970 l’Académicien soviétique Boris Petrov, commentateur régulier du spatial de son pays lors de manifestations à l’étranger. Au moment où il s’exprimait, les ingénieurs et techniciens soviétiques s’apprêtaient à lancer autour de la Terre le premier « laboratoire de l’espace ». En réalité, il y avait plusieurs programmes, dont celui mené par l’équipe de Vladimir Tchelomeï, qui développait la station militaire Almaz (« Diamant »), et celui de Vassili Michine (ancien bras droit de Sergueï Korolev, père fondateur de l’astronautique soviétique), qui construisait une station civile appelée Saliout (« Salut »).

Le 19 avril 1971, la première station orbitale de l’histoire, Saliout 1, est lancée. C’est alors le temps de l’apprentissage. Plusieurs Almaz et Saliout se succèdent sur orbite, régulièrement rejointes par des vaisseaux habités de type Soyouz. Mais la durée des séjours à bord est limitée tant que le fret arrive avec les équipages.

 

Une nouvelle génération de station orbitale.

A partir de 1977, une nouvelle génération de station voit le jour avec Saliout 6. Celle-ci est un peu plus moderne et, surtout, dotée d’un second port d’amarrage pouvant recevoir un vaisseau cargo de type Progress (« Progrès ») pour son ravitaillement (tandis que le premier port est occupé par un Soyouz). Saliout est également aménagée de manière à ce que les cosmonautes puissent effectuer des sorties extravéhiculaires.

L’ensemble donne alors un important « train spatial » d’environ 32 tonnes, avec une longueur totale de 29 m et une envergure de 17 m (avec les panneaux solaires déployés), pour un volume habitable de 90 m3 (station). La propagande souligne que cette nouvelle station est bien plus qu’un laboratoire : elle offre un réel confort de vie et de travail pour les cosmonautes qui disposent même d’un système de douche et de l’eau chaude, sans compter les nombreux instruments scientifiques embarqués, dont un télescope submillimétrique.

 

Au service de la coopération internationale... communiste.

Le 29 septembre 1977, la station Saliout 6 s’envole pour l’espace, elle est placée sur une orbite terrestre basse comprise entre 219 et 275 km. Les médias soulignent que celle-ci est un « laboratoire à usages multiples », permettant d’accueillir de nombreux équipages de cosmonautes. Dès le 9 octobre, Vladimir Kovalyonok et Valeri Rioumine rejoignent la station, mais leur vaisseau Soyouz 25 n’arrive pas à s’y amarrer ; ils doivent revenir sur Terre… Le 10 décembre suivant, une nouvelle tentative est menée par le Soyouz 26 (Youri Romanenko et Gueorgui Gretchko) qui réussit l’opération ; au total, les deux cosmonautes séjournent 96 jours dans la station. Plusieurs premières et des records sont engrangés au grand dam des Américains qui, depuis la fin du programme Skylab (1973-74) et du vol Apollo-Soyouz (1975), sont cloués au sol : le premier ravitaillement par un vaisseau-cargo (Progress 1, 22 janvier 1978), le premier vol d’un équipage international communiste (Soyouz 28 avec le Tchèque Vladimir Remek, 2-10 mars 1979), le record de séjour dans l’espace (Léonid Popov et Valéri Rioumine, 184 jours), les premières cultures d’une « végétation cosmique » (plantes…), etc.

 

Un beau bilan, un pouvoir satisfait.

Au total, la station Saliout 6 a eu une durée de vie de 4 ans et 10 mois, abritant cinq équipages d’occupation avec, en plus, onze équipages de visite dont 9 ressortissants étrangers communistes (tchèque, polonais, est-allemand, bulgare, hongrois, vietnamien, cubain, mongole et roumain). Quant aux expériences scientifiques, une véritable moisson a été recueillie avec pas moins de 1 600 expériences et la prise de 13 000 photographies, de quoi conforter le pouvoir soviétique à soutenir plus que jamais la conquête spatiale. Léonid Brejnev, le secrétaire général du Parti communiste, souligna qu’ « Avec la création de stations et de laboratoires orbitaux, la science soviétique aborde l’étape décisive qui permettra d’entreprendre une large conquête de l’espace cosmique »… au nom naturellement de la cause communiste.

Le succès est tel qu’une autre station du même type sera lancée sous le nom de Saliout 7 (19 avril 1982), celle-là même qui verra le vol du premier spationaute français (Jean-Loup Chrétien, 25 juin-2 juillet 1982), dans le cadre cette fois-ci d’une politique « d’ouverture » vers l’Ouest…

 

Philippe Varnoteaux est docteur en histoire, spécialiste des débuts de l’exploration spatiale en France et auteur de plusieurs ouvrages de référence.

 

Références

Un ouvrage : L’Astronautique soviétique, par Christian Lardier, A. Colin, Paris, 1992.

Le site Capcom Espace de Didier Capdevila

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03/10/2017 09:28
724 mots

Il y a 40 ans, Saliout 6

Après avoir perdu la course à la Lune, remportée par les Etats-Unis, l’URSS avait décidé de porter ses efforts sur les stations orbitales. Le 29 septembre 1977, Saliout 6 inaugurait leur deuxième génération.

Il y a 40 ans, Saliout 6
Il y a 40 ans, Saliout 6

« Avant 1980, l’Union soviétique sera en mesure de faire vivre une population de 20 à 60 personnes dans une station orbitale… », déclarait le 2 mars 1970 l’Académicien soviétique Boris Petrov, commentateur régulier du spatial de son pays lors de manifestations à l’étranger. Au moment où il s’exprimait, les ingénieurs et techniciens soviétiques s’apprêtaient à lancer autour de la Terre le premier « laboratoire de l’espace ». En réalité, il y avait plusieurs programmes, dont celui mené par l’équipe de Vladimir Tchelomeï, qui développait la station militaire Almaz (« Diamant »), et celui de Vassili Michine (ancien bras droit de Sergueï Korolev, père fondateur de l’astronautique soviétique), qui construisait une station civile appelée Saliout (« Salut »).

Le 19 avril 1971, la première station orbitale de l’histoire, Saliout 1, est lancée. C’est alors le temps de l’apprentissage. Plusieurs Almaz et Saliout se succèdent sur orbite, régulièrement rejointes par des vaisseaux habités de type Soyouz. Mais la durée des séjours à bord est limitée tant que le fret arrive avec les équipages.

 

Une nouvelle génération de station orbitale.

A partir de 1977, une nouvelle génération de station voit le jour avec Saliout 6. Celle-ci est un peu plus moderne et, surtout, dotée d’un second port d’amarrage pouvant recevoir un vaisseau cargo de type Progress (« Progrès ») pour son ravitaillement (tandis que le premier port est occupé par un Soyouz). Saliout est également aménagée de manière à ce que les cosmonautes puissent effectuer des sorties extravéhiculaires.

L’ensemble donne alors un important « train spatial » d’environ 32 tonnes, avec une longueur totale de 29 m et une envergure de 17 m (avec les panneaux solaires déployés), pour un volume habitable de 90 m3 (station). La propagande souligne que cette nouvelle station est bien plus qu’un laboratoire : elle offre un réel confort de vie et de travail pour les cosmonautes qui disposent même d’un système de douche et de l’eau chaude, sans compter les nombreux instruments scientifiques embarqués, dont un télescope submillimétrique.

 

Au service de la coopération internationale... communiste.

Le 29 septembre 1977, la station Saliout 6 s’envole pour l’espace, elle est placée sur une orbite terrestre basse comprise entre 219 et 275 km. Les médias soulignent que celle-ci est un « laboratoire à usages multiples », permettant d’accueillir de nombreux équipages de cosmonautes. Dès le 9 octobre, Vladimir Kovalyonok et Valeri Rioumine rejoignent la station, mais leur vaisseau Soyouz 25 n’arrive pas à s’y amarrer ; ils doivent revenir sur Terre… Le 10 décembre suivant, une nouvelle tentative est menée par le Soyouz 26 (Youri Romanenko et Gueorgui Gretchko) qui réussit l’opération ; au total, les deux cosmonautes séjournent 96 jours dans la station. Plusieurs premières et des records sont engrangés au grand dam des Américains qui, depuis la fin du programme Skylab (1973-74) et du vol Apollo-Soyouz (1975), sont cloués au sol : le premier ravitaillement par un vaisseau-cargo (Progress 1, 22 janvier 1978), le premier vol d’un équipage international communiste (Soyouz 28 avec le Tchèque Vladimir Remek, 2-10 mars 1979), le record de séjour dans l’espace (Léonid Popov et Valéri Rioumine, 184 jours), les premières cultures d’une « végétation cosmique » (plantes…), etc.

 

Un beau bilan, un pouvoir satisfait.

Au total, la station Saliout 6 a eu une durée de vie de 4 ans et 10 mois, abritant cinq équipages d’occupation avec, en plus, onze équipages de visite dont 9 ressortissants étrangers communistes (tchèque, polonais, est-allemand, bulgare, hongrois, vietnamien, cubain, mongole et roumain). Quant aux expériences scientifiques, une véritable moisson a été recueillie avec pas moins de 1 600 expériences et la prise de 13 000 photographies, de quoi conforter le pouvoir soviétique à soutenir plus que jamais la conquête spatiale. Léonid Brejnev, le secrétaire général du Parti communiste, souligna qu’ « Avec la création de stations et de laboratoires orbitaux, la science soviétique aborde l’étape décisive qui permettra d’entreprendre une large conquête de l’espace cosmique »… au nom naturellement de la cause communiste.

Le succès est tel qu’une autre station du même type sera lancée sous le nom de Saliout 7 (19 avril 1982), celle-là même qui verra le vol du premier spationaute français (Jean-Loup Chrétien, 25 juin-2 juillet 1982), dans le cadre cette fois-ci d’une politique « d’ouverture » vers l’Ouest…

 

Philippe Varnoteaux est docteur en histoire, spécialiste des débuts de l’exploration spatiale en France et auteur de plusieurs ouvrages de référence.

 

Références

Un ouvrage : L’Astronautique soviétique, par Christian Lardier, A. Colin, Paris, 1992.

Le site Capcom Espace de Didier Capdevila



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