Il y a 30 ans, Magellan l’explorateur d’un nouveau monde
Il y a 30 ans, Magellan l’explorateur d’un nouveau monde
© NASA/JPL

publié le 06 mai 2019 à 19:20

936 mots

Il y a 30 ans, Magellan l’explorateur d’un nouveau monde

Le 4 mai 1989, la navette spatiale américaine Atlantis lançait en direction de Vénus la sonde Magellan qui, en quelques années, allait réaliser une vue d’ensemble de la surface de l’étoile du berger.


Aux origines de Magellan.

Après le succès des Mariner 2 (1962-63) et 5 (1967-68), la NASA décide au début des années 70 de reprendre l’exploration vénusienne. Avec le programme Pioneer Venus décidé en 1974, l’atmosphère vénusienne est alors dans le collimateur des scientifiques. Dans le même temps, un autre projet est avancé avec Venus Orbiting Imaging Radar (VOIR), consistant à embarquer un radar dans une sonde satellisée autour de Vénus afin de réaliser une cartographie globale de la planète. Pour cela, les scientifiques comptent utiliser un radar à synthèse d’ouverture qui démontre toute sa pertinence en 1978 avec SEASAT, un satellite de télédétection océanique (depuis une orbite terrestre).

Malheureusement, l’arrivée au pouvoir de Ronald Reagan entraîne à la NASA des coupes budgétaires menaçant des missions comme VOIR en 1982. Les Soviétiques en profitent pour lancer deux sondes, Venera 15 et 16, embarquant des radars (missions envisagées dès 1976), qui cartographient en 1983-85 environ un quart de la surface vénusienne… Les Américains décident alors de remettre à l’ordre du jour une mission similaire baptisée en 1985 Magellan, en référence au célèbre explorateur portugais Fernand de Magellan. Ce dernier s’était lancé en 1519 dans le premier tour du monde, révélant la vaste étendue de notre planète, des continents et des océans.

Les instruments. L’équipe.

D’une hauteur de 6,4 m, pour un diamètre de 4,6 m et une masse totale de 1 035 kg, la sonde Magellan est conçue avec des technologies déjà éprouvées (comme l’antenne de 3,7 m des Voyager, l’antenne de gain moyen de Mariner 9, etc.), afin de diminuer le coût de la mission. Celle-ci est construite sous la maîtrise d’œuvre de Martin Marietta et du JPL (pour le compte de la NASA). Quant à la responsabilité du programme, elle incombe à Elizabeth Beyer (assistée de Joseph Boyce pour la partie scientifique) pour la NASA, et Douglas Griffith, responsable de projet (assisté de Stephen Saunders, responsable scientifique) pour le JPL.

Magellan embarque deux instruments scientifiques : un radar à ouverture de synthèse (construit par Hughes Space) permettant de réaliser de l’imagerie (avec des résolutions de 100 à 150 m), de l’altimétrie (pour mesurer des reliefs) et de la radiométrie (pour déterminer la température de surface), plus un instrument pour étudier le champ de gravité de Vénus. Outre deux panneaux solaires pour fournir l’énergie nécessaire, la sonde est également équipée de plusieurs antennes : une antenne parabolique à grand gain de 3,7 m de diamètre servant à la fois d’antenne radar et d’antenne de retransmission de données entre la Terre et la sonde, et deux antennes à gain moyen et à faible gain pour compléter et suppléer la première, surtout lorsque celle-ci est pointée vers Vénus.

Le vol. La mission.

En raison du drame de Challenger de janvier 1986, le lancement de Magellan prévu en mai 1988 par une navette est repoussé d’un an. Le 4 mai 1989, la navette Atlantis STS-30 décolle avec un équipage de cinq membres : David Walker, Ronald Grabe, Norman Thagard, Mary Cleave et Mark Lee. Une fois l’orbite de 365 km atteinte, l’équipage s’attèle à retirer doucement Magellan de la soute puis, à l’aide d’une fusée IUS (Inertial Upper Stage) à propulsion solide, celle-ci est envoyée en direction de Vénus pour un voyage de 462 jours.

Le 7 août 1990, Magellan arrive à destination et se place sur une orbite polaire elliptique (290 km de périgée et 8 400 d’apogée). A partir du 15 septembre, le radar entre en activité. Pendant environ 37 minutes, celui-ci collecte des données en survolant un méridien à basse altitude (290 km), puis l’antenne est réorientée en direction de la Terre pour les renvoyer pendant 115 minutes, et ainsi de suite.

Vénus dévoilée par Magellan.

Magellan a ainsi réalisé à ce jour la meilleure cartographie radar de Vénus, avec une surface couverte de l’ordre de 98 %. Un signal radar n’ayant pas de couleur, les ingénieurs ont choisi de superposer des couleurs jaune/orangée en raison de celles observées par les sondes soviétiques Venera 13 et 14.

Avec ses températures de surface de l’ordre de 475 °C et une pression de 92 atmosphères, « Vénus, malgré son étonnante ressemblance superficielle avec la Terre, s’est révélée un monde totalement nouveau, écrira Serge Brunier dans son Voyage dans le système solaire (Bordas, 2000). Ces paysages désolés, aux roches usées, baignant dans un air suffoquant et écrasant, n’ont pas d’équivalent dans le Système solaire ». Le radar a ainsi montré l’existence de mouvements tectoniques et, surtout, de la présence de très nombreux volcans avec des « rivières » de lave s’étendant parfois sur des milliers de kilomètres recouvrant 85 % de la surface de la planète. Parmi les volcans observés par Magellan, citons celui de Golubkina de 30 km de diamètre, de Sif Mons avec ses impressionnantes coulées, ou encore celui de Maat Mons qui culmine à 8 000 m d’altitude, le plus haut volcan vénusien.

Les données recueillies par Magellan ont également démontré qu’avec l’absence d’eau, le phénomène de l’érosion sur Vénus est particulièrement lent. De plus, la faible présence de cratères d’impact confirme une surface vénusienne jeune probablement encore active.

En raison de la dégradation de la puissance des panneaux solaires, la mission se termine début septembre 1994. L’orbite de la sonde est progressivement abaissée jusqu’à ce que celle-ci se détruise dans les couches denses de l’atmosphère, le 12 octobre 1994.

Références.

Une histoire du projet Magellan : Guide de l’explorateur du Magellan Vénus, Carolynn Young, NASA, 1990

Un article : « Vénus dévoilée par Magellan », publication CNRS

Une vidéo sur la cartographie de Vénus par Magellan.

Philippe Varnoteaux est docteur en histoire, spécialiste des débuts de l’exploration spatiale en France et auteur de plusieurs ouvrages de référence.

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06/05/2019 19:20
936 mots

Il y a 30 ans, Magellan l’explorateur d’un nouveau monde

Le 4 mai 1989, la navette spatiale américaine Atlantis lançait en direction de Vénus la sonde Magellan qui, en quelques années, allait réaliser une vue d’ensemble de la surface de l’étoile du berger.

Il y a 30 ans, Magellan l’explorateur d’un nouveau monde
Il y a 30 ans, Magellan l’explorateur d’un nouveau monde

Aux origines de Magellan.

Après le succès des Mariner 2 (1962-63) et 5 (1967-68), la NASA décide au début des années 70 de reprendre l’exploration vénusienne. Avec le programme Pioneer Venus décidé en 1974, l’atmosphère vénusienne est alors dans le collimateur des scientifiques. Dans le même temps, un autre projet est avancé avec Venus Orbiting Imaging Radar (VOIR), consistant à embarquer un radar dans une sonde satellisée autour de Vénus afin de réaliser une cartographie globale de la planète. Pour cela, les scientifiques comptent utiliser un radar à synthèse d’ouverture qui démontre toute sa pertinence en 1978 avec SEASAT, un satellite de télédétection océanique (depuis une orbite terrestre).

Malheureusement, l’arrivée au pouvoir de Ronald Reagan entraîne à la NASA des coupes budgétaires menaçant des missions comme VOIR en 1982. Les Soviétiques en profitent pour lancer deux sondes, Venera 15 et 16, embarquant des radars (missions envisagées dès 1976), qui cartographient en 1983-85 environ un quart de la surface vénusienne… Les Américains décident alors de remettre à l’ordre du jour une mission similaire baptisée en 1985 Magellan, en référence au célèbre explorateur portugais Fernand de Magellan. Ce dernier s’était lancé en 1519 dans le premier tour du monde, révélant la vaste étendue de notre planète, des continents et des océans.

Les instruments. L’équipe.

D’une hauteur de 6,4 m, pour un diamètre de 4,6 m et une masse totale de 1 035 kg, la sonde Magellan est conçue avec des technologies déjà éprouvées (comme l’antenne de 3,7 m des Voyager, l’antenne de gain moyen de Mariner 9, etc.), afin de diminuer le coût de la mission. Celle-ci est construite sous la maîtrise d’œuvre de Martin Marietta et du JPL (pour le compte de la NASA). Quant à la responsabilité du programme, elle incombe à Elizabeth Beyer (assistée de Joseph Boyce pour la partie scientifique) pour la NASA, et Douglas Griffith, responsable de projet (assisté de Stephen Saunders, responsable scientifique) pour le JPL.

Magellan embarque deux instruments scientifiques : un radar à ouverture de synthèse (construit par Hughes Space) permettant de réaliser de l’imagerie (avec des résolutions de 100 à 150 m), de l’altimétrie (pour mesurer des reliefs) et de la radiométrie (pour déterminer la température de surface), plus un instrument pour étudier le champ de gravité de Vénus. Outre deux panneaux solaires pour fournir l’énergie nécessaire, la sonde est également équipée de plusieurs antennes : une antenne parabolique à grand gain de 3,7 m de diamètre servant à la fois d’antenne radar et d’antenne de retransmission de données entre la Terre et la sonde, et deux antennes à gain moyen et à faible gain pour compléter et suppléer la première, surtout lorsque celle-ci est pointée vers Vénus.

Le vol. La mission.

En raison du drame de Challenger de janvier 1986, le lancement de Magellan prévu en mai 1988 par une navette est repoussé d’un an. Le 4 mai 1989, la navette Atlantis STS-30 décolle avec un équipage de cinq membres : David Walker, Ronald Grabe, Norman Thagard, Mary Cleave et Mark Lee. Une fois l’orbite de 365 km atteinte, l’équipage s’attèle à retirer doucement Magellan de la soute puis, à l’aide d’une fusée IUS (Inertial Upper Stage) à propulsion solide, celle-ci est envoyée en direction de Vénus pour un voyage de 462 jours.

Le 7 août 1990, Magellan arrive à destination et se place sur une orbite polaire elliptique (290 km de périgée et 8 400 d’apogée). A partir du 15 septembre, le radar entre en activité. Pendant environ 37 minutes, celui-ci collecte des données en survolant un méridien à basse altitude (290 km), puis l’antenne est réorientée en direction de la Terre pour les renvoyer pendant 115 minutes, et ainsi de suite.

Vénus dévoilée par Magellan.

Magellan a ainsi réalisé à ce jour la meilleure cartographie radar de Vénus, avec une surface couverte de l’ordre de 98 %. Un signal radar n’ayant pas de couleur, les ingénieurs ont choisi de superposer des couleurs jaune/orangée en raison de celles observées par les sondes soviétiques Venera 13 et 14.

Avec ses températures de surface de l’ordre de 475 °C et une pression de 92 atmosphères, « Vénus, malgré son étonnante ressemblance superficielle avec la Terre, s’est révélée un monde totalement nouveau, écrira Serge Brunier dans son Voyage dans le système solaire (Bordas, 2000). Ces paysages désolés, aux roches usées, baignant dans un air suffoquant et écrasant, n’ont pas d’équivalent dans le Système solaire ». Le radar a ainsi montré l’existence de mouvements tectoniques et, surtout, de la présence de très nombreux volcans avec des « rivières » de lave s’étendant parfois sur des milliers de kilomètres recouvrant 85 % de la surface de la planète. Parmi les volcans observés par Magellan, citons celui de Golubkina de 30 km de diamètre, de Sif Mons avec ses impressionnantes coulées, ou encore celui de Maat Mons qui culmine à 8 000 m d’altitude, le plus haut volcan vénusien.

Les données recueillies par Magellan ont également démontré qu’avec l’absence d’eau, le phénomène de l’érosion sur Vénus est particulièrement lent. De plus, la faible présence de cratères d’impact confirme une surface vénusienne jeune probablement encore active.

En raison de la dégradation de la puissance des panneaux solaires, la mission se termine début septembre 1994. L’orbite de la sonde est progressivement abaissée jusqu’à ce que celle-ci se détruise dans les couches denses de l’atmosphère, le 12 octobre 1994.

Références.

Une histoire du projet Magellan : Guide de l’explorateur du Magellan Vénus, Carolynn Young, NASA, 1990

Un article : « Vénus dévoilée par Magellan », publication CNRS

Une vidéo sur la cartographie de Vénus par Magellan.

Philippe Varnoteaux est docteur en histoire, spécialiste des débuts de l’exploration spatiale en France et auteur de plusieurs ouvrages de référence.



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